They will rock you
Aujourd'hui, j'ai seize ans et des amis fantastiques.
(Tordus et pas très discrets mais fantastiques)
*
Que reste-t-il de la Cabane des arbres ? Des champs, de la ferme et de l'ancienne usine ?
Que reste-t-il de nos potions ; des limaces, araignées et vers de terre ?
Que reste-t-il de l'immense grenier, du lavoir, du bois sans fin derrière chez nous ?
Et des bleus, sur nos genoux ? Du rouge sur nos blessures ?
Et si l'on creuse un peu là-bas, retrouverons-nous les carcasses de nos jouets perdus ?
Le méchant roi Francis, celui du château-noisetier, les a sûrement pillé.
Et tous ses chevaliers nous surveillent peut-être encore, cachés, patients.
Dans les herbes hautes. Dans nos herbes hautes.
Mais nous avons grandi, nous avons perdu.
Et rien ne sera plus jamais comme avant.
Dors.
C'est un peu comme si on vous épilait les cheveux un à un, mais de l'intérieur.
Comme si votre tête était remplie de fines lames de rasoirs
et qu'on vous la secouait lourdement pendant des heures.
C'est une douleur qui vient et revient, qui se cogne et qui se tord,
qui brûle vos pensées et enflamme votre crâne.
Et il y a ces jours où nous sentons...
M'abstraire, me taire et me terrer
__ Tu
dors, nu, étalé sur ce lit dont tu crois connaître l'odeur. Les heures
s'enfilent autour de nous, comme des perles trop lourdes, et je suis
assise là, à regarder ton torse se soulever au rythme de ta
respiration. J'ai déjà parcouru, de mes petits doigts poisseux, chaque
parcelle de ta peau. Mes ongles retracent tes traits, doucement,
dessinent ton corps à leur guise, remontent tes veines - celles de tes
chevilles, de tes cuisses, de tes hanches. Celles de tes poignets. Et
puis tes lèvres – tes lèvres.
__Tu
t'agites, tu bascules. Le temps d'une vague ; naufrage. Tu fais de
mauvais rêves. Et je ris. Le silence s'échappe. Je ris de plus en fort.
Ce n'est pas drôle. Je ris de plus en plus faux. Mes lèvres tremblent,
mes joues s'inondent de larmes. Et ma risée doucement se brise. Ce qui
pleut de mes yeux mouille ton visage et noie mes spasmes. Je tend la
main à ma droite, attrape la paire de ciseaux, sur la table de chevet.
Je te caresse délicatement. Ta peau semble frissonner sous le métal
froid. Les mots s'envolent de ma bouche à tes oreilles. « Ne
t'inquiètes pas mon amour. Je t'aime beaucoup trop pour ça. Beaucoup
trop. »
__Tu
parais si innocent, les poings fermés contre les épaules. Mais j'ai
faim, mon amour, j'ai faim de tout ton être ; de tes joues rebondies,
de ton ventre un peu rond, de tes cuisses, de tes mains, de tes lèvres
– tes lèvres.
__Et
je coupe, je découpe, je tranche et je tronçonne. Les plaies
s'élargissent, le sang coule à flots. Les draps absorbent – couleur
passion. Moi ça m'excite, j'en veux encore plus. Je fractionne, je
morcelle. Des petits bouts de toi par milliers. J'ai volé ton regard,
il est dans le bocal bleu. Tais-toi donc, veux-tu. Je te souhaite rien
qu'à moi, mon amour ; toi, moi, nous, dans mon ventre tous les deux.
Cesse de crier, arrête de me supplier. C'est fini pour tes pieds, je
vais chercher la poêle. J'allume le feu, tu te tais. Tes yeux me fixent
te cuisiner. Je croque un orteil. Je ne mâche pas, je te savoure.
Pause. Extase. Tout ton corps rien que pour moi. Moi, mes dents, mes
lèvres. Et tes lèvres – tes lèvres. Tes lèvres en dernier.
__ Applaudissements. Dans mon ventre, toi et moi. Et les ciseaux qui s'y enfoncent doucement. Rideau.
___ A nous deux.